Le Conseil scientifique du Géoparc débute une série de chroniques sur les actualités scientifiques du Géoparc Chablais. Première chronique par Yves BILLAUD et Stéphan JACQUET, membres du conseil scientifique.
De fin mars à début juin, l’histoire du Léman s’est un peu dévoilée. Sur le littoral de Chens-sur-Léman des archéologues plongeurs sont intervenus sous 3 à 5 mètres d’eau. L’objectif ? Établir un bilan de l’état de conservation sanitaire et compléter les observations sur des sites très particuliers, les palafittes, anciennement dénommés “cités lacustres”. Sur 4 kilomètres de rive, 7 stations du Néolithique et de l’âge du Bronze viennent documenter l’histoire des premiers peuplements d’agriculteurs et d’artisans entre 3000 et 850 ans avant notre ère.
Cette opération archéologique s’inscrit dans un programme de suivi des stations palafittiques inscrites depuis 2011 au patrimoine mondial de l’Unesco avec, pour le Léman, celle de Tougues. Ce gisement, daté de la fin de l’âge du Bronze, s’avère à ce jour le mieux conservé pour le pourtour du bassin lémanique. D’une superficie de plus de 4000 m², il présente non seulement la classique « forêt de pieux » (restes des pilotis ayant supporté les habitations), mais aussi des couches de dépôts riches en restes organiques divers (copeaux, feuilles, graines…) et en mobilier archéologique (céramique, mais aussi vannerie, ainsi qu’une roue en bois).
Lors d’une précédente intervention, une étude de la succession des différentes couches du sol (sondage stratigraphique) et des datations des pieux en bois (par la dendrochronologie, méthode basée sur les cernes de croissance des arbres) avaient été effectuées. Elles ont permis de mettre en évidence 3 périodes principales d’occupation entre -1071 et -859, entrecoupées de 2 remontées brèves du niveau du lac.
Ci-contre : Yves Billaud présente l’un des pieux, vestiges des pilotis ayant supporté les habitations des hommes du Néolithique
Le gisement exceptionnel de Tougues pouvant encore livrer de nombreuses informations, la préoccupation actuelle est de surveiller son évolution et, si nécessaire, d’envisager des actions de sauvegarde. Si le site est protégé des pratiques plaisancières par un balisage, il reste soumis à des risques d’érosion, tant par la houle aux effets amplifiés lors des abaissements périodiques du niveau du lac les années bissextiles que par des actions plus particulières comme le creusement de terriers par les écrevisses ou l’envahissement par des moules. Mais, comme cela a été montré lors de la conférence grand public du mercredi 30 mai dans l’amphithéâtre du collège de Margencel, la situation parait, au moins pour le site de Tougues, relativement stable, tout en restant à confirmer sur la durée. Et au-delà de ces interventions de terrain et de leur collecte de données, la question de la valorisation de ce patrimoine se pose.
Profitez ce week-end (15, 16, 17 juin) des Journées Nationales de l’Archéologie !
Cet article sera suivi par une présentation plus détaillée des connaissances acquises sur le site de Tougues, à paraitre dans la prochaine newsletter du Géoparc.